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Ancienne ferme protégée
Cette ferme paysanne à base carrée doit, de l’avis du Tribunal cantonal, être préservée. 

Ancienne ferme protégée

10 avril 2025 | Textes et photo: I. Ro.
Edition N°La Région Hebdo No 6

L’âge et l’état de la construction justifient sa préservation selon les juges cantonaux.

Construite il y plus de 200 ans, une ferme de la rue de l’Agriculture était destinée à être démolie pour laisser place à un bâtiment moderne. Le projet a reçu l’aval de la Municipalité de Vallorbe. Mais la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal a estimé que le bâtiment, témoin de son époque, méritait d’être conservé. Ce qui n’empêchera pas le propriétaire d’y aménager des logements.

Le projet à l’origine de cet arrêt de la Cour cantonale prévoyait la démolition d’une ancienne ferme construite en 1807, ainsi que d’une annexe. Un nouveau bâtiment de trois logements devait la remplacer, ainsi qu’une villa indépendante. La parcelle se trouve dans la zone urbaine à moyenne densité.

L’état de faits relève qu’à la rue de l’Agriculture, c’est d’elle qu’il s’agit, plusieurs fermes figurent au recensement architectural avec des notes 4 et 3, de part et d’autre de la rue. Les juges soulignent aussi que ce quartier est l’un des rares qui ont survécu aux différents incendies ayant ravagé le village de Vallorbe.

Une préservation digne d’intérêt

Fait important, lors de la délivrance du permis de construire par la Municipalité de Vallorbe – confortée par le préavis favorable de la Direction générale du territoire et du logement (DGTL), elle a levé les oppositions – la ferme incriminée était notée 4. Mais lors d’une révision effectuée l’an dernier par la Direction générale des immeubles et du patrimoine du Canton de Vaud (DGIP), elle est passée en note 3.

A l’appui de sa notation, la DGIP relevait la présence de nombreux éléments d’origine encore en bon état, de même qu’un état général satisfaisant. Même si, vu de l’extérieur – les murs sont dissimulés par des tuiles Eternit et des tôles – ces qualités ne sont pas évidentes. Cela dit, le bâtiment a subi des transformations au milieu du XIXe siècle et plus récemment, notamment les fenêtres.

Un ensemble unique

Au chapitre de l’évaluation, la DGIP, après avoir relevé que la maison est inhabitée depuis plusieurs années, souligne ses qualités: «La présence d’une cour s’ouvrant sur la rue, d’un jardin et d’un vaste verger confère à l’ensemble une valeur paysagère et urbanistique. La propriété se situe en outre dans un ancien quartier bien préservé, composé de nombreuses fermes construites pour la plupart au cours du XIXe, témoignant du passé agricole de la commune de Vallorbe qui ne compte aujourd’hui plus qu’un petit nombre d’exploitations, la plupart ayant été transformées sous l’influence du développement industriel. Ayant échappé aux nombreux incendies (1883, 1904, 1962, 1964) qui ont détruit une grande partie du patrimoine bâti de Vallorbe, le noyau ancien situé sur la rive droite de l’Orbe figure dans l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale (ISOS) avec un objectif de sauvegarde maximal (A).»

Un projet adapté

Les juges de la CDAP estiment que la maison paysanne peut être conservée, sans pour autant empêcher un projet: «La possibilité de réaliser trois appartements et une villa permet ainsi d’assurer au propriétaire une rentabilité acceptable et elle a pour conséquence que le besoin de densification invoqué par la Municipalité n’est pas déterminant dans la pesée d’intérêts.»

Et la Cour d’ajouter «qu’il existe un intérêt public prépondérant qui justifie de ne pas autoriser la démolition d’un bâtiment protégé… Cette interdiction de démolition repose sur une base légale, est justifiée par un intérêt public, et elle est proportionnée au but visé. Partant, le recours doit être admis, le permis de construire être annulé en tant qu’il autorise la démolition du bâtiment.»

La Cour ajoute: «La construction de la villa peut en revanche être admise, compte tenu de ses dimensions plus restreintes et de sa localisation à l’arrière de la parcelle, et compte tenu du fait qu’elle ne met pas en cause le maintien de la ferme.»

Pour ce qui est du verger, les juges estiment qu’il ne s’agit pas de fruitiers à haute tige qui auraient pu bénéficier d’une protection spéciale. Et malgré l’attribution de la note 3 au bâtiment et à son environnement, cela ne signifie pas pour autant que les arbres se trouvant sur la parcelle ne peuvent être abattus.

«Sur ce point, on note que le verger en question se trouve dans un secteur déjà largement bâti et que son intérêt, notamment esthétique, doit être relativisé par rapport à un verger composé d’arbres à haute tige plus visibles et autrefois situés en ceinture du village», ajoutent les juges.

En résumé, le propriétaire pourra bien construire trois logements, mais à l’intérieur de la ferme, désormais protégée. Il pourra faire de même avec la villa. Sans doute la préservation de la maison paysanne aura quelque influence sur la rentabilité de l’opération.


Des avis divergents

Dans un arrêt d’une trentaine de pages, et après une visite des lieux et une pesée d’intérêts très détaillée, la CDAP a suivi le raisonnement de la DGIP et estimé que cette maison paysanne à base carrée, ce qui est aussi particulier, méritait d’être maintenue, et rénovée.

Cet avis est diamétralement opposé à celui de la Municipalité, confortée par la Commission d’enquête des constructions, qui, après une visite des lieux en 2023, aurait constaté «une grande vétusté du bâtiment et son état de dégradation, rendant sa réhabilitation disproportionnée».

En ce qui concerne le verger, la recourante aurait souhaité sa préservation, notamment en raison de la présence d’une faune particulière liée aux lichens. Un point de vue contesté par la Direction générale de l’environnement qui n’y voit pas la présence d’un biotope.