Nord vaudois – Depuis sa légalisation, le cannabidiol, substance contenue dans la plante de chanvre, est de plus en plus consommé. Petit tour d’horizon dans la région.
https://www.youtube.com/watch?v=T9FdE-DLZj4

Depuis la légalisation de produits à base de cannabidiol, certains kiosques voient une nouvelle clientèle affluer.
Devant le kiosque Bel-Air d’Yverdon-les-Bains, Christophe* s’apprête à acheter un sachet de cannabidiol (CBD), ce cannabis légal, en vogue depuis quelques mois sur les étals des kiosques en Suisse. «Je suis un ancien toxicomane, confie ce quadragénaire. Dans les années 1990, j’ai essayé toutes sortes de drogues, de la coke à l’ecstasy, avant de sombrer dans l’alcoolisme. Au final, le CBD est un bon substitut, même si je ne plane pas comme avant.»
«Une clientèle hétéroclite»
José Guillen, kiosquier, voit défiler beaucoup de clients comme Christophe devant son commerce, qui viennent se procurer ledit produit. «En général, ce sont des personnes de plus de 25 ans, précise-t-il. Mais c’est une clientèle assez hétéroclite.» Même son de cloche chez Janine Baud, gérante du kiosque du Suchet, à Orbe : «Du moment que c’est légal, les clients ne se sentent pas gênés d’acheter ce type de cannabis. Certains m’ont même révélé qu’ils le buvaient en tisane.»
Propriétaire de trois magasins en Suisse romande, dont le Kaya Shop à la rue des Moulins de la Cité thermale, François Goy reconnaît, lui aussi, que sa clientèle est très variée. «Je vends plus d’une vingtaine de produits différents à base de CBD, affirme-t-il. En général, il s’agit d’une clientèle mature qui a passé l’âge de la trentaine.» Et de souligner que, depuis le mois de mars dernier, ses ventes ont connu un véritable boom. Dans son magasin, les prix du cannabis légal oscillent entre 19 et 67 francs pour des quantités qui peuvent varier d’un à dix grammes.
«Moins euphorisant»
Le gérant de HH Shop, à Orbe, a, quant à lui, remarqué que les femmes appréciaient plus ce type de produit que les hommes : «elles aiment le côté détente que cela procure, m’ont-elles confié.»
Parmi les personnes que nous avons interrogées, plusieurs confirment cet état de relaxation, alors que certaines confient préférer la consommation de cannabis illégal, qui donne une «sensation psychotrope plus agréable.»
«Personnellement, je n’ai jamais testé ce nouveau produit, confie Marc*, ingénieur d’une trentaine d’années. Certains amis m’ont confié que c’était moins euphorisant que le cannabis, mais je préfère me détendre de temps en temps avec un bon joint.» Quant à Samuel*, ancien magasinier, il révèle avoir fumé du haschich pendant de nombreuses années. «J’ai arrêté de faire le con. Avec le CBD, je me sens plus détendu et moins défoncé, glisse celui qui fume du cannabis légal en famille. Par ailleurs, le goût est moins puissant en bouche, c’est pourquoi je l’utilise pour agrémenter certains plats. Avec le poulet, c’est excellent !», affirme le jeune homme, avec le sourire.
*Noms d’emprunt
Cannabidiol : un produit sous de multiples formes
Le chanvre contient plus de huitante cannabinoïdes, dont le principal est le tétrahydrocannabinol (THC), qui provoque l’effet psychotrope du cannabis. Le cannabidiol (CBD), un autre cannabinoïde, n’a, quant à lui, aucun effet psychoactif. Par conséquent, il ne fait pas planer. Cette substance n’est donc pas régie par la Loi sur les stupéfiants, qui interdit la culture, la consommation et la commercialisation du cannabis, si celui-ci contient un taux de THC supérieur à 1%.
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) confirme que les produits contenant du cannabidiol (CBD) sont en vogue. Un nombre croissant d’entreprises cherchent à répondre à la demande des consommateurs en leur proposant une large palette de produits à base de CBD, tels que feuilles ou poudres de chanvre, huiles ou pâtes, gélules, compléments alimentaires, liquides pour cigarettes électroniques, succédanés de tabac, huiles parfumées, chewing-gums, etc.
Sur le plan médical, «seul le médicament Sativex, contenant les mêmes proportions de THC et de CBD, et développé dans le traitement de la sclérose en plaques et des préparations magistrales de CBD élaborées en pharmacie, peut être prescrit en Suisse par des médecins», indique Christian Giroud, toxicologue au sein de l’Unité de toxicologie et chimie forensiques du CHUV.
Un phénomène délicat à gérer pour la police
Entre cannabis légal et illégal, difficile pour la police de déterminer si une personne contrevient à la Loi sur les stupéfiants ou pas. Selon la Police cantonale vaudoise, quiconque fume en pleine rue s’expose à être contrôlé par les forces de sécurité. «Quelqu’un qui possède moins de dix grammes de cannabis illégal sur lui devra s’acquitter d’une amende d’ordre d’un montant de 100 francs, explique Olivia Cutruzzola, porte-parole de la Police cantonale vaudoise. Le problème, c’est que l’odeur du CBD est similaire à celle du cannabis illégal.»
C’est donc aux patrouilles de police d’apprécier chaque situation. Si la personne possède un sachet avec une quittance d’achat, l’affaire ne va pas plus loin.
Toutefois, si un doute subsiste, des analyses sont effectuées, afin d’examiner le taux de THC autorisé par la loi. Si les résultats sont supérieurs à 1% de THC, la personne devra non seulement s’acquitter des 100 francs, mais aussi des frais d’analyse, qui peuvent s’élever jusqu’à 600 francs.
Selon la porte-parole de la Police cantonale vaudoise, des études sont menées aux Etats-Unis pour développer des tests d’analyse. Si un jour ils sont commercialisés en Suisse, ils devraient faciliter le travail des policiers.