Cap difficile à franchir pour L’Amalgame
21 novembre 2024 | Texte: Mérité Estermann | Photo: Michel DuperrexEdition N°3836
Si 2024 marque les 30 ans de L’Amalgame, le lieu emblématique d’Yverdon, c’est aussi une année compliquée car il peine à faire salle comble. Retour sur cette année anniversaire.
Le 27 août 1994, l’Amalgame ouvrait ses portes en tant que scène locale de musique live à Yverdon. Trente ans plus tard, la salle est toujours debout en tant que lieu culte de la ville. «À l’époque, une convention de cinq ans était prévue», se souvient Pierre-Henri Meystre, président régional des Vert’libéraux et l’un des fondateurs de la salle de concert de L’Amalgame. «On s’était dit que c’était tellement lointain… Et là, trente ans après, on voit que ça fonctionne toujours, donc c’est une bonne chose.»
C’est à l’initiative du G.A.M.E, (Groupement des amis de la musique électrique) que naît le projet à l’époque, à la suite du constat du manque de tels lieux à Yverdon. Malgré des débuts incertains, la programmation rock et metal des années 1990 fait notamment la renommée du club. Aujourd’hui, L’Amalgame a su faire sa place dans le paysage des musiques actuelles en Suisse romande, en proposant une programmation diverse et originale allant du rock au rap, en passant par la pop, le métal ou les musiques électroniques. Le comité s’est professionnalisé en 2011, comptant aujourd’hui sept personnes à temps partiel. L’association, elle, reste bénévole. Un changement qui avait fait son effet, la fréquentation étant passée de 3200 à 16 000 personnes par année entre 2010 et 2012.
Une fréquentation en baisse
Aujourd’hui, pourtant, L’Amalgame a de la peine à faire salle comble. A l’instar d’autres salles romandes, comme Fri-Son à Fribourg, le club traverse une année difficile. «C’est vrai que c’est un peu délicat depuis le début de la saison, sachant qu’en général L’Amalgame tire plutôt son épingle du jeu», expose Mathias Kerninon, le programmateur du club. «La situation n’est pas propre à L’Amalgame, mais depuis un petit moment on a quand même de la peine à remplir la salle pour les concerts.» Le modèle économique de L’Amalgame, qui propose à la fois des concerts et des soirées dansantes, fait que le club tourne principalement avec ces dernières, qui permettent de financer les concerts. Il compte cependant sur une belle fréquentation lors des soirées-concerts, notamment pour faire tourner le bar mais aussi pour que l’offre artistique de la salle soit reconnue et puisse attirer à son tour du monde. Or, le comité se rend compte que certaines soirées ont de la peine à prendre et que la fréquentation a tendance à baisser. «Ce n’est pas au point d’être critique, mais ça fait se poser des questions, notamment sur le pourquoi», s’interroge le programmateur.
Trop de concurrence
Quelles sont les raisons à cette fréquentation moindre? Mathias Kerninon avance quelques pistes, la première étant une modification des habitudes du public, notamment depuis le Covid-19: «On se rend compte que les gens d’Yverdon ont un peu plus de peine à se bouger depuis le Covid, à aller voir des concerts. Le pouvoir d’achat a également tendance à baisser du côté des jeunes, qui sont notre public cible majoritaire.»
La concurrence semble également être rude depuis l’explosion des festivals qui fleurissent depuis quelques années en Suisse romande, densifiant toujours plus l’offre musicale. «On a tendance à penser que les gens font leur plein de concerts pendant les festivals et boudent un peu les salles en dehors de ces périodes, suite à des habitudes prises pendant le Covid», avance Mathias Kerninon.
Une autre raison à ce déficit s’explique finalement par la hausse des cachets (rémunération des artistes), des dernières années, un problème bien connu dans le monde musical, tant du côté anglo-saxon que francophone. Le programmateur de L’Amalgame relève notamment ce problème pour un style de musique en particulier, le rap. «Ce sont les concerts qui marchent vraiment bien pour attirer les jeunes, mais ce sont aussi ceux qui coûtent cher. Les cachets des rappeurs sont en train de s’envoler parce que c’est un style qui marche très bien, ce que les agences et les managers ont bien compris.»
Pierre-Henri Meystre revient finalement sur la situation de Sports 5. Le conseiller communal déplore le manque d’un bar ou d’un restaurant qui puisse attirer du monde la journée et en début de soirée: «Le monde attire le monde, on le sait. Plus il y aura d’animations sur le site et mieux ça vaudra. Ce sont des choses sur lesquelles il faudrait travailler.»
Des bénévoles difficiles à trouver
Un point problématique reste aussi la question des bénévoles, toujours plus difficiles à dénicher. «Il est de notoriété que dans toutes les associations, autant culturelles que sportives, il est de plus en plus difficile de trouver des bénévoles», note Pierre-Henri Meystre. Des propos sur lesquels rebondit Mathias Kerninon: «Il y a une tendance symptomatique, un signe des temps qui fait que moins de personnes sont attirées par le fait de s’investir bénévolement. On a toujours des gens présents, sans lesquels on ne pourrait pas faire tourner la salle, mais on est toujours quand même à flux tendu entre les personnes qui s’en vont et celles qui arrivent.» Le club tourne actuellement avec plus de 200 bénévoles.
Les défis de fin d’année
«Le gros défi reste de fidéliser le public», résume Pierre-Henri Meystre. Le club va profiter de sa traditionnelle pause hivernale en janvier afin de discuter stratégie et réfléchir à des solutions. En attendant, Mathias Kerninon invite le public à venir découvrir la programmation des prochaines semaines: «Il reste de très jolies dates d’ici la fin de l’année à venir découvrir à l’Amalgame!» conclut-t-il sur une note plus joyeuse.