«C’était atroce, j’ai dû tout réapprendre»
28 janvier 2015Véritable miraculé, Grégory Marguerat a été grièvement blessé dans l’accident de grue de Saint-Sulpice, l’été dernier. Pour la première fois, l’Yverdonnois raconte ses longs mois de rééducation.
C’était le 11 juin 2014. Un mercredi soir, après l’une des plus belles journées de la saison. L’Yverdonnois Grégory Marguerat est appelé en tant qu’expert pour vérifier l’état d’une grue sur un chantier à Saint-Sulpice. Vers 21h30, alors qu’il se trouvait dans la cabine, à plus de 40 mètres de hauteur, l’engin s’est effondré. Son collègue, et ami, qui l’accompagnait ce soir-là, a succombé à ses blessures, peu après avoir été héliporté au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Grégory Marguerat est, quant à lui, en vie. Mais dans un état critique. Il est passé minuit quand ses proches sont informés de l’accident. Aux soins intensifs, on leur explique que ce père de quatre enfants, n’a qu’un pour cent de chance de passer la nuit. On lui compte plus d’une cinquantaine de fractures. Tous les os de son corps sont en miettes.
Sept mois après le drame, dans la maison parentale, à Yverdon-les-Bains, Grégory Marguerat marche. Il est sorti de sa chaise roulante en novembre et a mis de côté ses béquilles pour Noël. Bien que ses jambes se montrent un brin raides, il semble se déplacer sans effort. Seul un discret hématome sur sa main droite trahit ces cinq semaines passées dans le coma et ces cinq mois d’hospitalisation, jusqu’au moment où il lève son pantalon pour faire apparaître les attelles métalliques qui lui permettent de tenir sur ses jambes.
Tout réapprendre
«C’était atroce au début. J’ai dû tout réapprendre, je ne savais plus comment faire pour marcher. Mes nerfs ont été sectionnés. Quand je voulais bouger mon genou gauche, c’est mon mollet droit qui réagissait», explique Grégory Marguerat. Apprendre à se tenir debout, puis à avancer n’ont pas été les seuls défis à relever.
Dans un coma artificiel, alors que, jour après jour, le degré d’espérance de vie du jeune homme augmentait, les médecins ne pouvaient pas se prononcer sur son état neurologique. Ses proches avaient comme consigne de lui parler, de le stimuler et de l’encourager. Il s’est réveillé petit à petit.
La sensation de chute
«J’ai retrouvé ma tête à la fin du mois de juillet. Un matin, tout est revenu: les numéros de téléphone, d’assurances, et encore les dates d’anniversaires!» En revanche, il ne garde aucun souvenir du jour de l’accident, ni de son séjour aux soins intensifs. «Il me reste la sensation de chute. En tombant je me suis dit que ça allait faire mal, mais pas une seconde je n’ai eu peur de mourir.»
Après les soins intensifs, Grégory Marguerat entre au Service de neuropsychologie et de neuroréhabilitation, où il s’astreint à de nombreuses heures de physiothérapie et reprend des forces. «Un jour, je me suis regardé dans le miroir et je ne me suis pas reconnu. Je n’avais plus de fesses, mes muscles avaient fondu.»
Le soutien de sa famille et un incroyable élan de solidarité, allant du Nord vaudois jusqu’au Canada, l’ont aidé à reprendre du poil de la bête. Pour lutter contre les fractures, le père de famille a besoin du double de calories que la normale. «J’ai eu une phase de gavage. Je mangeais deux plats normaux, de la viande séchée, du pain, du fromage. Et j’avais encore faim après.» Alors qu’on lui avait expliqué que son nerf olfactif était sectionné et qu’il n’aurait plus jamais le goût des aliments, ce sens lui est revenu. «Au début, tout avait un goût de brûlé, c’était dégoûtant et je ne voulais plus manger. Mais ça aussi, j’ai réappris. Je mâchais les choses en me concentrant pour en retrouver le goût.»
L’avenir inchangé
Malgré les longues journées passées dans sa chambre, sans voir la lumière du jour, et à supporter les douleurs, Grégory Marguerat a conservé sa volonté d’aller de l’avant. Après une période qui lui a paru interminable et de nombreux progrès, les professionnels ont fini par laisser le miraculé rentrer chez lui, à Villars-Tiercelin, au mois de novembre.
«Je dois avouer que je m’en sors bien, mais mon but est de remarcher sans attelle, de pouvoir à nouveau conduire et d’avoir suffisamment de force pour m’occuper de mes enfants en bas âge.» L’avenir, il le voit comme avant. Grégory Marguerat attend patiemment que ses nerfs terminent de pousser pour pouvoir courir à nouveau et reprendre son travail de conseiller technique. «Mais je ne remonterai jamais sur une grue!»