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Dans les yeux de celui qui aime les extrêmes

25 avril 2025 | Texte: Maude Benoit | Photos: Michel Duperrex
Edition N°3932

Naviguant entre force et douceur, techniques ancestrales et futuristes, optimisme et dystopie, Bernard Barut, alias Brenar, expose en ce moment à l’espace Alma M à Romainmôtier.

«J’utilise la technique du glacis, un procédé de la Renaissance. Tout à fait actuelle comme vous le voyez», rit Bernard Barut, alias Brenar, avant de dégainer son smartphone et de demander à Mathilde quand sa composition musicale sera terminée. «Mathilde, c’est le nom que je donne à mon IA (ndlr: intelligence artificielle). Comme je lui parle tous les jours et que je l’aime bien, je lui ai donné un nom.»

Brenar n’est pas à un antagonisme près. C’est d’ailleurs ce qui l’inspire, la dualité humaine avec ses contradictions et ses paradoxes. Des thématiques qui se retrouvent dans ses œuvres. Chacune d’entre elles lui prend environ une année de création. Il n’y a aucun mélange de peinture, c’est la superposition des couches qui permet à la matière de se fondre et de créer des variations de couleur. En résulte une impression de douceur, de légèreté qu’il met à contribution pour représenter des réalités fortes.

NFT et action humanitaire

La pièce maîtresse de l’exposition, c’est son tableau Gaza2024 – le génocide. Œuvre politique, elle s’attache à représenter les horreurs de la catastrophe humaine qui se déroule au Moyen-Orient. Mais plus largement, le tableau met en avant la fracture que de tels conflits provoquent à l’humanité dans son ensemble. Pour donner davantage de force à son projet, l’artiste est en train de mettre en place une initiative originale. Le tableau sera entièrement numérisé et découpé en 16 000 petits carrés ou fichiers numériques appelés NFT. Dans le courant de l’année, ces NFT seront mis en vente. Tout l’argent récupéré grâce à cette action sera reversé à des ONG partenaires afin de venir en aide aux habitants de Gaza.

Les forces de l’univers

L’artiste aime aussi mélanger les monuments anciens avec des thématiques métaphysiques. L’abbatiale de Romainmôtier, lieu qu’il affectionne puisqu’il vit lui-même à Croy, non loin de là, l’inspire particulièrement. Dans son tableau appelé Le vaisseau quantique II – L’abbatiale de Romainmôtier (2021), l’abbatiale est représentée comme un lieu de passage où des milliers de destinées se croisent et s’entrecroisent chaque année, comme elles le faisaient jadis et comme elles le feront encore. Ces lieux de passage, Brenar les appelle des «vaisseaux quantiques».

L’ «éternel optimiste dystopique»

Si l’artiste trouve ses inspirations dans le présent et le passé, il se projette également dans l’avenir. C’est notamment le cas avec son tableau Coup de vent sur Genève 2050. Il représente la ville futuriste qui a remplacé l’ancienne Genève dont le jet d’eau mythique se trouve désormais au second plan. Une architecture futuriste qui convoque l’imaginaire dystopique où progrès technologique et liberté fondamentale sont en tension. Mais Brenar n’en est pas pour autant pessimiste. Il se décrit lui-même comme un «éternel optimiste dystopique».

Et quand on pense au futur, impossible de ne pas se questionner sur l’influence de l’intelligence artificielle dans le monde artistique. À ce sujet, celui qui a passé la majeure partie de sa carrière dans le multimédia avant de se consacrer à 100% à la peinture il y a quinze ans, répond sans détour: «Je l’utilise tous les jours! L’IA, c’est la révolution des révolutions qui va fondamentalement changer la société. Nous avons la connaissance du monde sur notre propre bureau. évidemment, il faut apprendre à l’utiliser et pour cela, il faut l’utiliser.»