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Du plomb dans les ailes de l’Air Club
Les deux hangars vétustes devraient être remplacés par un nouveau grand hangar énergétiquement au goût du jour.

Du plomb dans les ailes de l’Air Club

13 février 2025 | Texte: Robin Badoux | Photos: Gabriel Lado
Edition N°3891

Le Conseil communal a décidé de ne pas prolonger le droit de superficie dont dispose l’Air Club sur la parcelle où se situe l’aérodrome d’Yverdon, freinant de ce fait le renouvellement déjà entamé de la flotte et des infrastructures, ces dernières accusant un état de vétusté avéré.

Inutile, néfaste, bruyant et polluant l’aérodrome d’Yverdon? C’est en tout cas les critiques qui ont été formulées à l’encontre de la piste, et par extension de l’Air Club qui exploite le terrain aux abords de la Cité thermale, lors de la séance du Conseil communal du jeudi 6 février dernier. Les conseillers étaient amenés à discuter un préavis proposant, dans un de ses trois articles, de prolonger à 50 ans la durée du droit de superficie de l’Air Club sur la parcelle occupée par l’aérodrome.  «Une question de fond se pose, celle de la pertinence de prolonger de 50 ans l’aérodrome d’Yverdon en mettant en balance les apports pour la population et l’économie locale, et les nuisances en termes de bruit, de rejet de gaz à effet de serre et d’emprise du sol», a lancé Xavier Fischer (PS POP), rapporteur de la commission des affaires immobilières.

Défendu par les partis de droite et la Municipalité, critiqué à gauche, le préavis a finalement été accepté… en partie. L’article réglant le droit de superficie a en effet été refusé. Un flou subsiste sur la validité de cette décision. Certains conseillers et observateurs estiment que le règlement du Conseil concernant l’amendement des préavis n’a pas été respecté. La présidente du Conseil, Anita Rokitowska estime de son côté que tout est en ordre, précisant toutefois attendre une réponse du Canton avant de trancher.

Sans le feu vert du Conseil, l’Air Club doit se plier au précédent droit octroyé en 2000, et renouvelé en 2020, fixant l’échéance au 26 février 2050.

Le pilote de l’Air Club irrité

Du côté des aviateurs, l’incompréhension règne. Le président de l’Air Club, Denis Rossier, peine en effet à digérer la décision du Conseil. «Nous sommes consternés par la présentation qui a été faite de nos membres lors du Conseil communal, sous-entendant que nous sommes des gens qui aiment polluer et qui ne s’inquiètent de rien.»

La surprise est d’autant plus déconcertante pour le pilote retraité que les relations avec les autorités ont toujours été courtoises, franches et efficaces. «Nous avons approché la Municipalité il y a un an et demi. Ils nous ont imposé des limitations pour le bruit et des mesures pour décarboner, en accord avec le plan climat de la Ville, ce que nous avons accepté sans problème. Pour nous, ce qui compte, c’est de voler. Que ce soit à l’électricité ou à l’essence, on s’en fiche.»

Ce qui inquiète l’Air Club, c’est que la décision du Conseil vient geler le processus de rénovation de l’aérodrome.

Vol au-dessus d’un nid de vieux coucous

En effet, jugé vétuste, l’aérodrome totalisant 100 ans d’activité doit aujourd’hui composer avec des locaux déphasés. Une visite rapide sur les lieux suffit pour s’en convaincre: entre les sols en terre battue et les toitures en Eternit, les hangars, ateliers et salles de cours sont des passoires énergétiques. Partant, les autorités communales et cantonales poussent les occupants à moderniser l’aérodrome. En accord avec le Plan sectoriel des transports, partie infrastructure aéronautique (PSIA), du ressort de la Confédération, un projet complet de rénovation a été mis sur pied. La première phase terminée a vu la construction d’un nouveau hangar muni d’une toiture solaire et d’une infrastructure en bois, et d’une station essence, le tout achevé il y a quatre ans pour 1,3 million de francs (photo en bas).

La prochaine phase, encore à l’enquête publique, prévoit la démolition de trois hangars, dont un très vétuste remontant aux origines de l’Air Club, et leur remplacement par deux nouveaux bâtiments. L’atelier de réparation utilisé par l’entreprise Mecanair – qui s’occupe actuellement des aéronefs des clubs d’Yverdon, Lausanne, Genève ou encore de Neuchâtel – doit être prolongé. Enfin, un taxiway de 500 mètres – déjà autorisé en 2020, mais jamais construit, faute d’argent –, longeant la piste, est aussi prévu (photo à droite).

«On ne va pas lâcher notre os, affirme malgré tout Denis Rossier. On ne se défait pas devant l’adversité.» Rassemblé en urgence lundi, le comité de l’Air Club a malgré tout décidé d’aller de l’avant et de ne pas renoncer à la rénovation du site, notamment en raison des élections communales générales de 2026. «La vague écologiste a pris du plomb dans l’aile», estime le président, qui s’attend à voir le vent tourner pour la prochaine législature.

Avec seulement 25 ans de droit de superficie, au lieu de 50, le club ne pourra toutefois pas réaliser toutes ses ambitions. Si les infrastructures peuvent être aménagées, le renouvellement de la flotte devra attendre, faute de temps pour pouvoir amortir les investissements. «Nous avons tout de même de la chance de ce côté. Nous avons déjà remplacé notre avion remorqueur pour un modèle plus silencieux et moins gourmand. Nous disposons également d’avions Ecolight, modernes, légers et munis de moteurs à faible consommation.»

En fin de compte, la décision du Conseil communal ne devrait donc pas geler complètement le développement de l’Air Club. Malgré tout, elle laisse un goût amer au président. «Nous prenons déjà des mesures pour réduire les nuisances et la consommation. En ce qui concerne les apports pour la ville, nous formons chaque année entre 15 et 20 pilotes, dont la moitié se lancent ensuite professionnellement. Nous ne sommes pas ici pour satisfaire le loisir de quelques personnes. Enfin pour l’emprise du sol, nous sommes en zone inondable. Il n’y a jamais eu de conflit avec les agriculteurs pour ce terrain, car eux-mêmes n’en veulent pas. Pour nous, au contraire, cet endroit est un petit paradis. En décollant, on ne survole aucun grand bâtiment jusqu’au pénitencier d’Orbe, et les détenus ne sont pas ceux qui se plaignent le plus!»

Aujourd’hui, l’Air Club compte près de 380 membres, dont 300 actifs. La société regroupe les activités de parachutisme, de vol à voile et à moteur et d’école d’aviation, réparties le long de la piste de 870 mètres. L’Air Club a été fondé en 1935, mais des activités aéronautiques sur ce site en périphérie d’Yverdon remontent aux balbutiements de l’aviation.