Logo

Gérard Castella, le chercheur d’or

8 mai 2014

Football – L’entraîneur genevois est aujourd’hui le sélectionneur de l’équipe nationale M19, qui tente de se qualifier pour l’Euro. Une fonction qui est avant tout celle d’un détecteur de talents, comme il l’a expliqué aux membres du Club des Milles d’YS.

Gérard Castella a la conviction que les footballeurs doivent s’épanouir en Suisse avant de partir à l’étranger.

Gérard Castella a la conviction que les footballeurs doivent s’épanouir en Suisse avant de partir à l’étranger.

Carte d’identité

Nom : Gérard Castella.

Age : 61 ans.

Fonction : Sélectionneur de l’équipe suisse M19.

Equipes entraînées : Etoile-Carouge, Meyrin, Servette, Saint-Gall, Lausanne et Xamax, avec plusieurs passages dans certains clubs.

 

Les ruées vers l’or ont fait plus de déçus que de nouveaux riches. Pas facile de trouver ce qu’on cherche. Et il faut avoir passer du temps à retourner le lit d’une rivière pour savoir reconnaître une pépite et, surtout, l’apprécier à sa juste valeur. Quand une voix s’élève pour demander à Gérard Castella la raison pour laquelle si peu de champions du monde M17 de 2009 garnissent les rangs de l’équipe suisse A aujourd’hui, son sang de chercheur d’or ne fait qu’un tour. «Il y en a exceptionnellement beaucoup ! Quatre, en l’occurrence : Rodriguez, Kasami, Seferovic et Xhaka. On considère déjà que si on amène un ou deux joueurs d’une même génération en première équipe, c’est bien.»

Invité du Club des Milles d’Yverdon Sport mardi, l’entraîneur genevois de 61 ans oeuvre au service de l’Association suisse de football depuis 2009. Il a vécu de l’intérieur le titre mondial conquis au Nigéria, puisqu’il officiait comme observateur des futurs adversaires de la Nati. Depuis, il est entré dans le cercle des sept entraîneurs des sélections d’espoirs. Il travaille au stade de la formation, c’est-à-dire des catégories M18 à M20, suivant la génération qui lui est attribuée pendant trois ans.

Aujourd’hui, il encadre ce que l’année 1995 a vu naître de meilleur dans le pays, avec un objectif concret : obtenir la qualification pour l’Euro qui aura lieu cet été en Hongrie. Du 25 au 30 mai, le chemin de ses protégés vers Budapest passera par Lausanne et Nyon, où ils affronteront la très forte Géorgie, l’Israël et Chypre dans le cadre du deuxième tour avant la phase finale. «On dit toujours que chez les jeunes, le résultat n’est pas le plus important, commente- t-il. Moi, j’aime bien les résultats quand même. Inculquer la culture de la gagne. Car, le sport d’élite, c’est quoi ? C’est : tu as marqué combien de buts ? Tu as fais combien de passes décisives ?» Et de relever le coup d’accélérateur qu’a été le titre de champion du monde M17 pour Granit Xhaka et compagnie. «Lui, il est arrivé au Nigéria en tant que joueur des M18 du FC Bâle. En rentrant, il a directement été intégré aux M21 et, à la fin de la saison, il jouait en première équipe», détaille Gérard Castella.

Entre les mailles du filet

Pour autant, le mandat du Genevois et de ses pairs n’est pas tant de gagner des titres que d’alimenter en joueurs de qualité les troupes aux tuniques rouge à croix blanche. «Le cadre de la sélection M19 se compose d’environ trente joueurs, mais il est toujours en mouvement. Certains éléments sont fixes, mais on espère toujours trouver des gars qu’on ne connaît pas.» La détection : voilà le premier poste du cahier des charges de sélectionneur. Car, en marge de ceux qui fraient dès le départ dans le cadre de la filière de formation de l’ASF, d’autres poissons passent entre les mailles du filet. C’est le cas de Fabian Schär, dont le potentiel international s’est révélé sur le tard, ou de Silvan Widmer, qui est aux portes de l’équipe suisse A sans avoir appartenu à toutes les formations de la relève.

«Il faut toujours avoir les yeux ouverts», martèle Gérard Castella, qui voit beaucoup de matches en quête de pépites. Quand Yverdon Sport militait encore en Challenge League ou en 1re ligue promotion, on le croisait dans les tribunes. «Je venais observer certains joueurs, dont Jérémy Manière, se rappelle-t-il. Aujourd’hui, je ne viens plus, parce qu’on trouve peu de joueurs des classes d’âge qui m’intéressent en 1re ligue classic, sauf dans les équipes M21.»

Il y a pourtant un joueur qui a commencé le football au Stade Municipal dans la génération 1995 qu’il espère conduire à l’Euro hongrois : Mirsad Hasanovic. Aujourd’hui, ce «milieu de terrain moderne, athlétiquement très intéressant» évolue à Servette, où il «manque un peu de temps de jeu», selon coach Castella. Mais il a toute son attention.

Shaqiri a fait tout juste

D’autant que, pour l’instant, il évolue en Suisse, contrairement à beaucoup de jeunes footballeurs qui succombent très tôt aux sirènes de l’étranger. Une situation que le sélectionneur M19 déplore, mais dont il doit bien s’accommoder. «Les joueurs connaissent notre position, donc nous sommes les derniers avertis lorsqu’ils ont des contacts», regrette-t-il. Le Genevois plaide pour que les jeunes s’affirment au pays avant de partir. «Tu pars à 15 ans, c’est le chef du matériel du club qui vient t’accueillir, décrit-il. Il faut partir après soixante matches de Super League, quand cinquante journalistes et photographes t’attendent à l’aéroport. Shaqiri ou Drmic ont fait tout juste.»

Mais voilà : il y a la pression des agents, celle des parents et, bien sûr, le rêve qui habite les jeunes «On a des chiffres : 80% de ceux qui partent à 15 ou 16 ans reviennent deux saisons plus tard en regardant par terre. Mais que voulezvous ? Manchester United, ça fait rêver», soupire Gérard Castella, bien placé pour savoir que tout ce qui brille n’est pas de l’or.

 

Un retour en club ?

Gérard Castella se sent parfaitement à l’aise à l’ASF, lui qui estime avoir toujours donné leur chance aux jeunes. «Je suis tellement bien aujourd’hui, je ne ressens pas de pression négative, assure-t-il. J’ai apprécié entraîner en club de 30 à 57 ans, mais voilà, aujourd’hui, je suis passé à autre chose.»