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Halte au gaspillage
Lucien Willemin, Olivier Bolomey, président des Vert’lib vaudois, Nicolas Leuba, président de l’UPSA-Vaud et Philippe Gregoir, modérateur.

Halte au gaspillage

20 février 2025 | Textes et photos: I. Ro.
Edition N°3896

Lucien Willemin plaide pour une transition plus longue et respectueuse de l’environnement.

Invité des Cinq à Sept de l’UPSA-Vaud (Union suisse des professionnels de l’automobile), Lucien Willemin tient un discours à contre-courant. A son avis, le passage au pas de charge au tout-électrique est une erreur, mais surtout un gaspillage monumental. Car si l’on réduit la pollution ici, on l’exporte ailleurs, notamment en Afrique, avec les véhicules thermiques.

Lanceur d’alerte un peu particulier – il n’a en effet pas besoin de protection rapprochée –, ce Neuchâtelois qui bénéficie d’une solide expérience dans différents domaines d’activité, notamment l’immobilier, s’est intéressé aux effets de l’électrification à marche forcée du parc automobile. A son avis, une erreur, dont on ne voit pas les conséquences dans notre environnement immédiat.

Et c’est bien là le problème. Devant un parterre d’initiés, cet ancien acteur de l’immobilier, qui a reçu un prix de développement durable, a décidé, à 40 ans, après avoir transmis son entreprise, «de réfléchir à la société et à son avenir». Depuis dix ans, il mène une véritable croisade de sensibilisation, particulièrement auprès des jeunes.

Des chiffres et des faits

Loin des slogans politiques qui réduisent les problématiques à quelques mots, Lucien Willemin étaye sa démonstration avec des faits. Il relève d’emblée le problème des statistiques. Selon celles-ci, la Suisse a 4,7 millions de voitures. En fait, il s’agit de voitures immatriculées. Dans la réalité, si on tient compte de celles en stock, neuves et d’occasion, il faut en dénombrer 10 à 15% en plus selon des garagistes présents dans l’auditoire.

Souvent, on change une voiture de dix ans d’âge avec 150 000 km au compteur pour une nouvelle. «Le CO2 est devenu l’ennemi public numéro un», relève le conférencier, qui attribue le mouvement à l’effet des slogans politiques. On change de voiture pour économiser de l’énergie.

En réalité, et globalement, on n’économise rien puisque nos voitures d’occasion sont exportées et que la production de nouvelles voitures, principalement électriques, consomme une énergie grise – énergie nécessaire pour fabriquer une voiture ou un objet – considérable.

A l’appui de sa démonstration, Lucien Willemin relève qu’une voiture est faite en moyenne de 180 000 composants, soit toutes les pièces, y compris le plus petit écrou, et de deux kilomètres de câbles électriques.

La fabrication de toutes ces pièces produit de la pollution chimique, qui au contraire du CO2 n’est pas remédiable. Et l’ancien agent immobilier d’assurer que lorsqu’on construit une maison en bois, on nettoie l’atmosphère de CO2. Et d’asséner, photos «choc» à l’appui, que «la pollution chimique tue le vivant». En effet, déforestation, mines pour en extraire les métaux nécessaires à l’industrie, bassins de rétention qui cèdent, centrales à charbon, bref, les exemples ne manquent pas.

«La politique actuelle pousse au gaspillage automobile», assure-t-il. Et d’énumérer l’importance des stocks de voitures, leur coût et au final la perte de valeur. La Suisse exporte quelque 150 000 véhicules par an. «Ils polluent ailleurs et échappent au recyclage. L’exportation de véhicules aggrave la situation globale», explique Lucien Willemin, en soulignant que depuis 2015, les exportations de voitures ont augmenté de 38%.

Le recyclage n’est pas une excuse

Quelque 60 000 véhicules sont recyclés annuellement en Suisse. Mais le recyclage consomme beaucoup d’énergie et pollue. «Il ne doit pas être utilisé comme un dossier de paresse», assène l’orateur, déplorant par ailleurs qu’on détruise des voitures en parfait état de marche.

Et de répéter son message: «Il faut réduire la quantité.» Et pour réduire la consommation d’énergie, il faut diminuer le gaspillage. «La technologie propre n’existe pas. C’est une illusion collective!» Et s’il fallait encore un chiffre, il relève que 9 milliards de tonnes de charbon ont été brûlées dans le monde l’an dernier, les deux tiers pour produire de l’électricité.

Au terme d’une démonstration qui, de ses propres aveux, a presque convaincu Nicolas Leuba, président de l’UPSA-Vaud, Lucien Willemin met l’auditoire face à ses responsabilités: «Faut-il garder sa vieille voiture ou en acheter une neuve?»

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La décroissance implique la réforme du système

La table ronde qui a suivi la présentation de Lucien Willemin a montré que le public de spécialistes avait peu d’arguments à opposer au conférencier. Formateur d’adultes et président des Vert’libéraux vaudois, Olivier Bolomey est convaincu que la transition vers l’électromotricité reste la solution. Mais il n’a pas avancé d’éléments chiffrés permettant de contrecarrer les thèses du conférencier.

S’il juge l’exposé de l’orateur convaincant, Nicolas Leuba, président de l’UPSA-Vaud, est confronté à la réalité du marché: la pression des marques, qui fixent des objectifs de vente à leurs agents et concessionnaires, et  le système financier (leasing) qui vit d’une activité juteuse.

Si la décroissance, sans violence, prônée par Lucien Willemin s’impose à toute personne raisonnable, encore faut-il en accepter ses conséquences, particulièrement importantes pour ce qui est du marché des voitures neuves. La réparation serait gagnante, du moins dans un premier temps, si les détenteurs conservaient leurs véhicules –pour autant que les contraintes légales le permettent– un peu plus longtemps.

Lucien Willemin n’en démord pas, le leasing met la voiture neuve à portée de n’importe quel salarié. Ce qui lui faire dire «qu’on roule au-delà de nos moyens».