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«Jusqu’au bout!»

5 décembre 2024 | Textes: Manuel Gremion | Photo: Gabriel Lado
Edition N°3846

Pétri de douleurs depuis des années, passé près de la mort, Oliver Colin continue pourtant de jouer tous les jours, et de gagner des titres en Suisse et en Europe. Le badiste urbigène du BC Yverdon, 47 ans, est un dur à cuire. Un roc.

A peine revenu des Championnats d’Europe masters, disputés à la fin août en Belgique, Oliver Colin a enchaîné dix week-ends consécutifs de tournois ou de rencontres interclubs, avant de s’accorder un court repos. Au cours de son marathon sportif, il a ajouté trois tournois consécutifs. Après sa pause d’un week-end, il en a remporté deux autres. Toujours passionné, toujours déterminé à se battre, l’Urbigène de 47 ans est insatiable. «Battre des jeunes me motive et me permet de continuer», sourit-il, avant d’ajouter, plus sérieux: «Mais à quel prix?»

Voilà près de quinze ans que le badiste, qui a tapé le volant plus de vingt ans en Ligue nationale A – désormais en LNB, avec la deuxième équipe d’Yverdon –, se bat avec des douleurs articulaires importantes. Il a déjà été opéré de la hanche, d’ailleurs. A cela s’ajoute une arythmie cardiaque qui, chaque matin, le pousse à se faire violence pour réussir à se lever. «Je suis tout le temps en souffrance, c’est le revers de la médaille», glisse le gendarme qui, après des années à avoir travaillé de nuit, s’occupe désormais de prévention routière dans les écoles en raison de ses problèmes de santé.

Papa de cinq enfants, aujourd’hui âgés de 14 à 24 ans, qui ne jouent pas au badminton, même s’ils ont tous essayé «sans avoir malheureusement croché», Oliver Colin est un battant, un dur au mal. Les énormes douleurs thoraciques dont il souffre, qui l’ont conduit une quinzaine de fois aux urgences, parfois en ambulance, à deux doigts d’y passer – on a dû l’emmener en réanimation –, n’altèrent en rien son désir, son profond besoin de pratiquer du sport, de bouger, de se dépenser. «Je dois me faire violence pour m’entraîner tous les jours. Je passe parfois plus de temps à appliquer de la pommade et du froid, mais je continue. Jusqu’au bout!»

Pourquoi? «Parce que c’est la seule chose qui me procure autant de plaisir. J’ai un tas d’autres passions, j’adore passer du temps avec ma famille, mais j’aime tant la compétition, faire des résultats», rétorque celui qui, pour ses soucis cardiaques, a consulté d’innombrables spécialistes. Constamment en souffrance, avant tout dans son lit la nuit, il se rend presque chaque semaine chez le médecin. Les salles et terrains de sport, eux, il les foule quotidiennement, à raison de quatre séances de fitness par semaine, pour quatre ou cinq entraînements de badminton, en plus des compétitions le week-end. «Je me lève tant bien que mal, puis je vais m’entraîner. J’ai de toute façon constaté que cela me fait plus mal de ne rien faire…»

Oliver Colin parvient désormais à dormir 5h30 par nuit. C’est nettement plus que durant les périodes les plus difficiles. Tous ses ennuis de santé ne l’empêchent pas de jouer au plus haut niveau à son âge, parmi les meilleurs joueurs de simple du pays et, chez les vétérans, parmi les meilleurs joueurs du monde.

«On verra encore combien d’années je pourrai jouer. Si je vois que mon niveau chute d’un coup, je me poserai la question d’arrêter, mais il faudrait que ça en devienne ridicule. Pour l’heure, je ne me suis jamais demandé ce que je faisais sur le terrain, peu importe contre quel adversaire», assure-t-il.

Les résultats témoignent du niveau auquel évolue encore le roc du BCY. Fin août, en Belgique, il a remporté les joutes continentales en double messieurs des 45+, associé à un Danois. L’Urbigène a ainsi ajouté un deuxième titre européen master à son palmarès. «C’était un miracle, raconte-t-il. Car, quelques heures avant de prendre la voiture, c’était à pile ou face pour que je puisse partir en raison de mon arythmie. J’y suis allé et, une fois sur le terrain, je me suis dit bats-toi jusqu’au bout.»

En simple, il a été sorti en quarts de finale par le champion du monde en titre, 23-21 au troisième set. Il a même obtenu un volant de match. En double, le premier tour faisait figure de finale avant l’heure. «Mon partenaire Morten Rasmussen et moi restions sur deux défaites en finale.» L’affront est lavé.

A présent, Oliver Colin s’est également mis à dispenser quelques cours privés de badminton. «Il est valorisant d’apporter quelque chose aux gens, apprécie-t-il. Je suis perçu comme celui qui bosse. J’ai dû me battre pour y arriver, je n’avais pas le talent. Je montre ainsi aux gens qu’il y a d’autres armes pour rivaliser, d’autres chemins, et que les jeunes doivent croire en leurs capacités.» Comme lui, avec un mental d’acier et ce désir fou d’avancer.

Une détermination qu’il tient notamment de ses parents. «Ils ont aussi joué au badminton. Ils ont commencé tard, mais sont parvenus jusqu’en LNB. Ils étaient également assez passionnés.»

Ne comptez pas sur celui qui a grandi à Bonvillars pour laisser le moindre point à son adversaire, peu importe le contexte. «Pour moi, tout est un objectif. A chaque entraînement, je me bats comme si c’était quelque chose d’important», affirme-t-il, préparant les principales échéances à venir, essentiellement les Championnats de Suisse en début d’année 2025. Il aurait aussi adoré pouvoir se rendre aux Mondiaux masters de l’an prochain, mais n’a pas les moyens de voyager. Il aura d’autres occasions d’entrer sur le terrain des Championnats du monde, plus près d’ici, si son cœur le lui permet.