Logo
L’ami fidèle des oiseaux s’est envolé
Michel Antoniazza ne passait pas une journée sans se livrer à l’observation. Photo: Duperrex-a

L’ami fidèle des oiseaux s’est envolé

15 avril 2021

Le biologiste Michel Antoniazza nous a quitté. Il a consacré sa vie à la protection de la Grande Cariçaie.

«L’ami fidèle des oiseaux». C’est ainsi que notre journal avait présenté Michel Antoniazza, dans la sélection des dix personnalités de l’année «Les Nord-Vaudois qui ont fait 2017». Car ce biologiste discret et sensible a été tout au long de sa vie un extraordinaire passeur. Il a su non seulement transmettre sa passion pour les oiseaux, et la nature en général, aux jeunes et moins jeunes, mais aussi oeuvré à la protection de la Grande Cariçaie, une réserve naturelle d’importance internationale.

Ce père de trois enfants, fin observateur de la nature, a répondu à une véritable vocation: protéger la nature. Et sa carrière a commencé par un combat, un véritable corps-à-corps, dont l’arme principale a été la conviction. En effet, l’autoroute A1 devait passer le long de la grève d’Yvonand.

Une certitude scellée dans le béton dont témoigne, aujourd’hui encore, la façade arrière de la HEIG-VD, à route de Cheseaux. Un véritable mur sans ouverture a été érigé pour protéger les étudiants du bruit. Le défunt avait gardé de cette période un souvenir pénible, car il n’aimait pas la confrontation, encore moins la politique. Mais l’abandon du tracé «lac» de l’autoroute A1, il y a tout juste quarante ans, l’avait réjoui et conforté dans la légitimité de son action.

Ce combat pour la sauvegarde de la zone naturelle a renforcé les convictions de Michel Antoniazza. Sa nature réservée l’a incité à privilégier le dialogue. Et si, à l’époque, il n’a pas fait la une des journaux, il faut bien admettre aujourd’hui que cette bataille de l’ombre, qu’il a portée avec le soutien de la Société pour la protection de la nature (Pro Natura) était justifiée.

Cet enfant d’Yvonand a très tôt pris conscience de la valeur de la rive sud du lac de Neuchâtel, où il aimait se baigner et s’amuser avec ses amis le long des roseraies. Il y a découvert la richesse de la faune, et la biodiversité, à une époque où ce terme n’était pas à la mode.

A peine adulte, alors que beaucoup de ses camarades songeaint à passer le permis de conduire, il a privilégié celui de baguage, passé sans faute à la Station ornithologique de Sempach (LU). Car il était fasciné par les oiseaux, leur vie, leurs migrations. Il leur a consacré non seulement sa carrière en tant que collaborateur scientifique de l’Association de la Grande Cariçaie, mais une bonne partie de son temps.

Michel Antoniazza a ainsi été un des piliers des fameux rencensements des oiseaux migrateurs. C’était pour lui l’occasion de partager, en toute modestie, un immense savoir nourri par des milliers d’heures d’observation.

Et si les oiseaux étaient ses étoiles, leur environnement avait tout autant de valeur. C’est pourquoi il s’est investi corps et âme dans la gestion de la Grande Cariçaie, plaidant sans cesse pour la protection de ce site exceptionnel. Il a aussi participé à de nombreuses mesures pratiques. Qui se souvient des campagnes nocturnes de ramassage des grenouilles, victimes d’un véritable massacre sur la route de la Grève? Un problème finalement résolu par la construction de protections et passages sous l’artère.

«C’était quelqu’un qui avait à coeur d’avoir une démarche scientifique. Il a passé beaucoup de temps à suivre les oiseaux nicheurs sur la Rive sud. Il aimait les étudier, les baguer et les peser. Il se posait des questions sur les fluctuations des oiseaux migrateurs pour tenter d’en connaître l’origine et lever des inconnues», explique Catherine Strehler Perrin, cheffe de la Division biodiversité et paysage à la Direction générale de l’environnement du Canton de Vaud.

Présidente de l’Association de la Grande Cariçaie durant dix ans -elle a remis son mandat en fin d’année dernière-, cette biologiste a eu le plaisir de collaborer avec Michel Antoniazza: «Il savait observer et transmettre sa passion aux gens. Et même les convaincre du bien-fondé de certaines mesures de protection.»

«Il était totalement honnête. Il ne cherchait jamais à tromper ses interlocuteurs. Il était d’une nature simple. Il m’a aussi emmenée à la recherche des morilles. Il avançait à une grande vitesse, car il connaissait les coins», se souvient Catherine Strehler Perrin.

Et d’ajouter: «C’était quelqu’un qui cherchait à fédérer. Il était très modeste et discret. C’était impressionnant. Et puis c’est un homme qui aimait sa famille, ses enfants et ses petits-enfants, et partager des moments avec ses amis.»

Salué par ses pairs, l’engagement de Michel Antoniazza a aussi été reconnu par ses concitoyens. En 2018, il a reçu le Prix du mérite Tapa-Sabllia en même temps que le célèbre cuisinier Franck Giovannini.

 

Une émission TV en guise de déclic

 

La passion de Michel Antoniazza pour la Grande Cariçaie trouve ses origines dès la tendre enfance. Il accompagne souvent son père, passionné de pêche et de cueillette des champignons. Mais c’est la télévision qui déclenche son intérêt pour les oiseaux: «Le déclic s’est produit en regardant une émission où des jeunes baguaient des oiseaux. Mon intérêt n’était pas que scientifique, il y avait aussi l’aspect de la capture», expliquait le défunt à notre confrère Ludovic Pillonel en 2017, au moment où il a pris sa retraite.

Emile Sermet, ornithologue et enseignant au Collège secondaire d’Yverdon, Jean-Claude et Michel Muriset, et Jean-Jacques Mauron ont aussi contribué à forger à stimuler cette passion, que Michel Antoniazza partageait avec ses deux frères.

Et si le défunt avait un temps envisagé son avenir dans l’archéologie, la passion a vite repris le dessus et c’est à l’Université de Neuchâtel qu’il a a effectué ses études biologistes, conclues en 1979 avec un travail de licence consacré aux oiseaux nicheurs de la rive sud du lac de Neuchâtel.