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L’avenir du village des pêcheurs se jouera à Berne
© Michel Duperrex

L’avenir du village des pêcheurs se jouera à Berne

1 mai 2021

La visite avec les services de l’Etat de Vaud n’a pas permis d’assurer directement la survie du site. Mais une commission fédérale devra se positionner sur la question. Sa voix sera décisive.

 

C’était l’étape qui devait être décisive, celle qui devait trancher le sort du Village des pêcheurs. Finalement, rien n’a concrètement été décidé durant la visite du Canton en terre tapa-sabllia, à la fin du mois de mars. La délégation communale a eu beau plaider la cause du site, l’Etat n’a pas laissé entrevoir un adoucissement de sa position sur le sujet. Pis, le refuge de la plage, situé à Goncerut, est potentiellement menacé, alors que la Municipalité pensait qu’une solution pourrait être trouvée sans trop de difficultés. «On a été surpris, parce qu’on n’a pas eu l’impression de venir pour discuter de la situation, résume Philippe Moser, syndic du village. On a simplement eu le droit a un rappel de la loi en vigueur. Le dialogue n’était pas possible.»

Il reste toutefois un point auquel Yvonand peut s’accrocher: le Canton a annoncé qu’il sollicitera la Commission fédérale pour la nature et le paysage pour analyser la situation des deux bâtiments. Une analyse qui sera à double tranchant, tant il est difficile d’aller à l’encontre de l’avis de la Commission. Ainsi, le salut du Village des pêcheurs viendra de Berne, s’il vient.

Mais la Municipalité ne va pas rester les bras croisés en attendant cette expertise. «Sur recommandation de notre conseil juridique, nous allons nous-mêmes demander une expertise du site, précisent Philippe Moser et Alexandre Lecourtier, municipal. A notre avis, le Village des pêcheurs amène un vrai plus pour la vie sociale d’Yvonand avec un impact environnemental limité. Nous n’avons aucun intérêt à ne pas protéger la réserve. Bien sûr, la personne qui réalisera l’expertise ne sera pas impliquée dans cette affaire. Ça aura un coût, et c’est pour ça que la motion votée lundi soir tombe bien pour nous.»

Effectivement, les trois partis de la commune se sont à nouveau unis pour défendre les bâtiments d’utilité publique. Ensemble, ils ont déposé une motion demandant à la Municipalité «d’entreprendre toutes les démarches qu’elle jugera nécessaires pour défendre le patrimoine communal que représentent le Refuge de Goncerut et le Village des pêcheurs». Cette motion oblige donc la Municipalité à agir. Et rend son combat encore plus légitime, puisqu’elle a désormais le mandat de défendre ces deux sites.

De nombreux Tapa-Sabllias en sont persuadés, le Village des pêcheurs et le refuge de la plage seraient des sortes de victimes collatérales des chalets privés situés dans la réserve. La plus grande crainte du Canton serait de créer un précédent qui donnerait des armes aux propriétaires des constructions privées. C’est d’ailleurs dans l’optique de se différencier des chalets privés qu’une Association de défense du Village des pêcheurs a vu le jour et prévoit des activités pédagogiques et culturelles sur le site (lire encadré ci-contre).

Un nouvel acteur pour la défense du site, que l’Exécutif voit d’un bon œil. «C’est un élément de plus qui confirme que la Municipalité ne se fait pas des idées, qu’il y a une vraie demande populaire, note le syndic. Et puis si le Village des pêcheurs s’oriente vers la pédagogie et la protection du patrimoine, la Commune n’aura pas forcément le personnel pour gérer le site. Cette association peut être un allié dans cette optique.»

 

Une association pour défendre le patrimoine public

 

Elle aura mis un peu de temps à voir le jour, mais l’association qui défendra activement la survie du site a officiellement vu le jour le 18 février dernier. Sous le nom d’Association pour la mise en valeur du Village des pêcheurs d’Yvonand, l’organisation veut faire briller l’histoire de ce lieu emblématique pour les Tapa-Sabllias.

Pour y arriver, de nombreuses idées ont été proposées par les quelque huitante membres qui ont déjà adhéré. «On a beaucoup de projets avec l’école du village, détaille Elisabeth Bernarda, membre du comité et municipale entre 1981 et 1992. La direction a d’ailleurs déjà indiqué son intérêt. Rien n’est encore décidé puisqu’on veut juste que le lieu continue d’exister, mais on peut par exemple imaginer un canapé lacustre, comme ça se fait en forêt.»

Par ailleurs, l’association se veut aussi complémentaire au site de Champ-Pittet. En effet, si les oiseaux de la Grande Cariçaie sont bien mis en avant, l’Association du Village des pêcheurs souhaite que la vie aquatique de la région soit mieux valorisée.

Mais l’objectif de l’association est clair: sauver un espace pour le bien de la collectivité, pas pour soutenir des privés. «Le but du projet est vraiment de sauver le patrimoine culturel que représente ce site, indique Elisabeth Bernarda. Si tous les bâtiments ne peuvent pas être gardés, nous sommes prêts à l’accepter.»

Pierre-Alain Chevalley, dernier pêcheur encore en activité à Yvonand, serait prêt à être associé au projet. «Je cherche activement une solution pour installer ma pêcherie ailleurs, explique le professionnel. Et si le Village des pêcheurs ne serait plus l’endroit où je travaille véritablement, ça pourrait devenir un lieu où montrer comment je travaille. La notion de patrimoine vivant m’est très chère et ce serait une façon de faire perdurer ce savoir.»

Le pêcheur est d’ailleurs confiant pour l’avenir du site: «Je pense que l’association arrivera à proposer un projet axé sur le patrimoine lacustre et son environnement qui soit en accord avec la protection de la réserve. Il s’agirait d’une solution win-win pour le Canton, la Grande Cariçaie et Yvonand.»

Et la première action de l’association va d’ailleurs dans ce sens. Avec l’accord des propriétaires, des photographies d’archives montrant la vie des anciennes familles de pêcheurs ont été disposées sur les cabanons. «De nombreuses personnes âgées ont été sensibles à cette exposition. Elles reconnaissent les anciens habitants», fait remarquer Elisabeth Bernarda, dont le père a réalisé le film qui témoigne de l’inondation de 1950.

D’autres activités sont d’ailleurs prévues par l’association ces prochaines semaines, comme une balade découverte entre terre et lac.

 

La réponse de la Direction générale de l’environnement

 

Et la Direction générale de l’environnement (DGE), que retient-elle de cette rencontre? Denis Rychner, conseiller en communication pour la DGE, nous a répondu par mail. «Lors de la rencontre avec la Commune, il a été convenu que le Canton participera à la finalisation du PPA des Plages. Les équipements et constructions nécessaires au maintien de l’activité de pêche seront évalués dans ce cadre. Il a également été décidé de solliciter la Commission fédérale pour la nature et le paysage pour procéder à une expertise sur la situation individuelle des constructions (Village des pêcheurs et refuge communal) situées dans le périmètre de la Grève de l’Ile, lequel est englobé dans les secteurs vaudois des réserves naturelles de la rive sud du lac de Neuchâtel.»