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Le chœur battant de l’anarchie

13 octobre 2021

Yverdon Le mouvement romand «Reprenons la ville» organise son premier acte, samedi, dans la capitale du Nord vaudois. La chorale anarchiste du coin se chauffe déjà la voix.

Dans un coin de la Cité thermale, un petit groupe se retrouve chaque semaine, presque en catimini. Il n’y a pas de porte dérobée ni de code secret pour entrer, mais pour connaître le lieu du rendez-vous, il n’y a qu’un seul moyen pour l’instant: le bouche à oreille. Créée il y a deux mois, la chorale anarchiste d’Yverdon se prépare discrètement pour la grande manifestation prévue samedi en ville. Pacifiste, elle promet toutefois de faire du bruit, car il s’agit de la première action du mouvement romand  «Reprenons la ville» (lire ci-dessous).

Tapis dans un minuscule local, une dizaine de chanteurs amateurs répètent quelques morceaux. Exception faite des guirlandes de têtes de poupées et des mignonnettes de Jägermeister, on pourrait croire qu’il s’agit d’un chœur traditionnel. Mais lorsqu’on regarde d’un peu plus près les bandes dessinées exposées (Squatter comics), les affiches placardées sur les murs et qu’on écoute les textes des chansons, on comprend vite que le collectif est très engagé. «Ce qui change par rapport à une chorale classique est qu’on enlève le côté culpabilisant. Ici, on vient quand on peut et comme on peut. On intègre tout le monde, on veille à n’opprimer personne, puisqu’au contraire on défend les opprimé(e)s, explique Layla Outemzabet. Pour l’instant, je fais la cheffe de chœur, car j’ai des compétences en musique, mais l’idéal serait que le groupe s’autogère.»

Menée par la dynamique conseillère communale (Jeunes Vert·e·s), la troupe rigole, s’entraide et apprend à chanter Gardien de la paix, l’hymne des zadistes, ou encore Le temps s’écoule. «Celle-ci sera reprise samedi, motive l’Yverdonnoise, fière de ses élèves du jour. Au total, on a fait six réunions, mais à chaque fois avec des personnes différentes, donc cela fait environ trois fois qu’on se voit avec ce groupe. C’est juste magnifique d’obtenir un tel résultat si rapidement.»

Derrière son enthousiasme, Layla Outemzabet s’inquiète un peu. Car elle sait que les chœurs anarchistes de Lausanne, de Neuchâtel et du Jura, notamment, gonfleront les rangs des chanteurs yverdonnois pour créer un véritable «bloc chantant» samedi. Et eux, ils s’entraînent depuis plus longtemps.

Néanmoins, la force de la Cité thermale réside dans la motivation de ses habitants. Et c’est d’ailleurs l’énergie qui règne dans le Nord vaudois qui a permis d’organiser ici le premier acte du mouvement romand «Reprenons la ville». «On est une ville qui change avec, notamment, une nouvelle Municipalité. Aussi, il y a un terreau militant ici. Et tout le monde est content qu’une grande manifestation se fasse ailleurs qu’à Lausanne, pour une fois, confie Layla Outemzabet, cheville ouvrière du rassemblement de samedi. On veut vraiment ancrer la lutte sur le terrain, c’est pourquoi la manifestation d’Yverdon avance des revendications précises en lien avec la ville.»

Le collectif nord-vaudois aimerait donc crier haut et fort ce qu’il souhaite pour l’avenir de la capitale du district. Et ce qu’il veut c’est une ville écologique, sociale et, surtout, une «vraie démocratie urbaine» avec un plan de développement qui ne laisse personne derrière. «Le but n’est pas de clasher la Municipalité, car elle vient d’arriver, mais on ne peut pas simplement attendre que la lutte se fasse au niveau institutionnel, on doit aussi l’amener dans la rue», poursuit Layla Outemzabet. Concrètement, les militants souhaitent que leur Municipalité ait «la main-mise sur les terrains» et qu’elle ne subisse pas les volontés des propriétaires privés. «On aimerait qu’elle arrête de vendre, comme fait Zurich, pour privilégier des servitudes, et qu’elle prenne en compte les développements des quartiers comme celui des Moulins. Elle doit aussi veiller à ce que les écoquartiers ne soient pas bétonnés et réservés à des privilégiés, mais qu’ils soient accessibles à tous. Bref, on veut une vraie politique de logement à Yverdon.»

 


Les paysans débarqueront avec leurs fourches!

Les chanteurs anarchistes ne seront de loin pas les seuls à manifester samedi pour «lutter contre le développement urbain» et «faire face aux forces capitalistes qui dirigent nos vies et nos villes».

A en croire Uniterre, c’est une véritable révolution qui se prépare. Certains agriculteurs vont descendre en ville pour secouer les cocotiers et les politiciens. «Rendez-vous dans le bloc paysan avec nos bêches, nos fourches et nos houes, le 16 octobre à 13h30 sur la place Pestalozzi!» indique l’organisation syndicale paysanne. Pour l’association, il est capital que les citadins ne soient pas déconnectés des lieux où leur nourriture est produite. «Nos modèles de villes actuelles, vortex de gentrification, d’exclusion, avec leur appétit sans fin pour des ressources naturelles bientôt épuisées qui sont nécessaires à la construction doivent être repensés de fond en comble.»

Des membres des grèves des femmes et du climat, ainsi que des mouvements antiracistes, seront aussi présents, ainsi que des représentants de collectifs moins «connus». «C’est une manifestation antivalidiste, donc qui agit contre le fait que les villes soient construites par et pour des valides, ainsi qu’antipsychophobe, c’est-à-dire qui lutte contre la discrimination des personnes psychoatypiques et neuroatypiques», décrypte Layla Outemzabet.


Infos pratiques

Samedi: à 13h30 à la place Pestalozzi. Cortège, ponctué de discours engagés, depuis le centre-ville jusqu’à à la gare, au bord du lac et à Sports 5. https://reprenonslaville.info