La décharge d’En Crusille est bientôt pleine. Les mâchefers seront transférés temporairement en Suisse alémanique.
Les mâchefers ou scories de l’usine d’incinération Tridel, à Lausanne, qui traite notamment les ordures provenant du Nord vaudois, seront exportés dans deux décharges suisses alémaniques dès le début de l’été. Cette solution d’urgence n’est pas pérenne. Elle devrait durer, si tout va bien, le temps que les projets des Echatelards (Grandson), respectivement de la Vernette (Daillens), arrivent au terme des procédures en cours. Le premier est en mains du Tribunal fédéral et le second est traité par la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal vaudois.
L’exploitant de la décharge d’En Crusille a obtenu, l’automne dernier, la dernière autorisation possible pour l’exploitation d’une toute petite partie encore disponible sur le site de Valeyres-sous-Montagny. Mais cette «poire pour la soif» ne permettra pas d’aller au-delà de la fin du printemps.
Une solution d’urgence
Dans cette situation, que faire des scories de l’usine Tridel, qui représentent quelque 35 000 tonnes sur les 175 000 de déchets traités? Les responsables de cette usine, dont la STRID est actionnaire fondatrice, n’ont pas attendu cette échéance pour réagir.
«Potentiellement, il y a une trentaine de sites possibles en Suisse. Mais la plupart n’ont pas les moyens de traiter les scories dans le cadre de leur flux. Mais nous avons pu trouver deux partenaires, l’un dans la région de Berne, l’autre à Zurich», explique Jean-Philippe Petitpierre, ingénieur et administrateur délégué de Tridel.
L’ancien syndic d’Orges explique qu’il a fallu près d’une année pour mettre en place le nouveau dispositif. Celui-ci est prévu pour trois ans au maximum. L’accord prévoit que les deux partenaires suisses alémaniques pourront, une fois une décharge de type D légalisée en Suisse romande, renvoyer un tonnage équivalent de scories dans les années qui suivent, ce qui leur évitera de puiser dans leurs réserves.
Autrement dit, le principe pollueur-payeur, et son corollaire, on élimine dans la mesure du possible les déchets dans la région où ils sont produits, seront appliqués sur la durée.
La multiplication des coûts
Exporter 35 000 tonnes de déchets outre-Sarine, soit l’équivalent de quelque 1500 camions, a un prix. «Cela coûtera le double», précise Jean-Philippe Petitpierre.
Cela veut-il dire que le consommateur, et producteur de déchets, va voir sa facture augmenter? Ce ne sera pas le cas, en tout cas pas tout de suite.
En effet, voyant les procédures en cours s’allonger, les actionnaires de Tridel ont pris les devants. Ils ont provisionné les surcoûts à venir. Et cela pour éviter de surcharger la note de ceux qui paient déjà beaucoup.
Priorité au transport par train
En effet les deux tiers des ordures traitées par Tridel y parviennent par le train. Le système est vertueux, mais il a son prix: le transport par rail coûte deux fois plus que celui effectué par la route. A cette charge, il paraît impossible d’en ajouter un autre. Ce serait la double punition. En attendant donc, les prix pour le consommateur resteront ce qu’ils sont.
Heureuse coïncidence
En ce qui concerne la décharge située près de Berne, exploitée par une association de communes, le hasard a bien fait les choses. Elle a perdu récemment un client important qui utilisait sa technologie de récupération des métaux, après concassage. Le traitement des scories de Tridel lui permettra d’amortir son installation. En ce qui concerne Zurich, l’exploitant est privé. Il reste ouvert, si les choses n’avancent pas assez vite de ce côté-ci de la Sarine, à une année supplémentaire de partenariat.
Récupérer tout ce qui est possible
A l’heure actuelle, on ne se contente pas de déposer des scories en décharge. Elles sont concassées et traitées, avec des aimants et autres dispositifs, pour récupérer le plus de métaux possible: cuivre, bronze, acier, et même de l’or!
De l’or dans les ordures? Ce n’est pas qu’une image. D’une part, les installations de récupération de chaleur de Tridel permettent de fournir de l’énergie à quelque 25 000 ménages.
Mais il arrive aussi que par inadvertance, certaines personnes jettent les bijoux de famille à la poubelle. Jean-Philippe Petitpierre a eu plus d’une fois une personne au téléphone lui demandant s’il était possible de retrouver une bague ou d’autres bijoux cachés dans une chaussette dont elle s’était défaite.
Malheureusement, une fois passés à l’incinération, les bijoux sont détruits. Mais il arrive, lors de l’opération qui suit le concassage des scories, qu’on retrouve de l’or, et bien sûr tous types de métaux qui seront réintroduits dans le circuit, ce qui tend à confirmer le slogan préféré des recycleurs: rien ne se perd, tout se transforme.
Partenaires et subsidiaires
La STRID fait partie des trois membres fondateurs de Tridel, à laquelle elle fournit quelque 9% des déchets traités (chiffre de 2023). Cette même année, l’usine lausannoise a traité quelque 177 000 tonnes de déchets, un chiffre un peu supérieur à l’exercice précédent, qui s’explique par le traitement d’une partie des déchets de la SATOM (Riviera, Chablais vaudois et valaisan), dont les installations ont été paralysées par un incident technique.
Le problème du dépôt des scories doit être envisagé au niveau romand. Le Valais cherche encore un emplacement dans le Chablais. A ce stade, Genève n’a aucune solution locale en vue et exporte ses mâchefers dans le Jura, ce qui est compliqué et cher. C’est dire que l’issue des procédures concernant Les Echatelards et La Vernette est attendue avec impatience.