Logo

«Notre football a besoin d’une meilleure culture de la passe»

19 novembre 2012

Football – Pablo Iglesias, directeur technique de l’ACVF et entraîneur-assistant des M19 suisses, se réjouit des résultats de l’équipe nationale, mais identifie les pistes pouvant permettre au football helvétique de se développer.

Pablo Iglesias, un technicien séduit par le style «latin» du football.

Pablo Iglesias est fou de football («J’ai la chance d’en vivre, c’est un privilège, je le dis haut et fort», explique celui qui est à la fois directeur technique de l’ACVF et asssistant de Claude Ryf pour l’équipe suisse M19), et ne rate pas une occasion de partager sa passion et d’en expliquer les contours. Invité par l’Association vaudoise de la prese sportive (AVPS), celui qui se définit comme un «Catalan jusqu’au bout des ongles» n’a ainsi pas hésité à proposer un véritable cours tactique à une tablée de journalistes attentifs comme à leurs plus belles heures d’école.

«Le but n’est pas de vous faire un cours d’HEF, ou Haute école footballistique, mais bien de dialoguer, de donner quelques pistes de réflexion.» Et lorsque Pablo Iglesias parle de football, l’Espagne n’est jamais loin, mais le technicien a une bonne excuse: l’équipe nationale vient de gagner tout ce qu’il était possible de gagner et les équipes latines font main basse, ou presque, sur les coupes européennes depuis quelques années. Pablo Iglesias explique ainsi que le «football latin va laisser une trace», comparable, selon lui, à celles laissées par les plus grandes équipes de l’histoire.

L’exemple espagnol

Pourquoi? Comment? Et, surtout, comment appliquer certains préceptes «latins» à notre football helvétique, puisqu’il faut bien se rendre à l’évidence: aujourd’hui, c’est bien l’Espagne qui domine le monde du football.

Pour commencer, il convient de tordre le cou à une idée reçue, exemple espagnol à l’appui: «L’équipe qui a le ballon ne fait pas obligatoirement moins de kilomètres que son adversaire!» Au contraire, même. Le jeu sans ballon, le soutien à un partenaire, demandent tout autant d’implication, mais… finissent par payer au final.

«Aujourd’hui, l’idée, c’est d’être maître du ballon. Pour pouvoir décider du sort du match.» Lors de la dernière Coupe du monde, l’Espagne n’a pas offert de récital offensif, gagnant ses quatre matches à élimination directe sur le score de 1-0. «Mais cela ne veut pas dire jouer défensif, au contraire. Il faut le prendre de la manière suivante: si je marque, alors je contrôle le match, mais pour ce faire, il faut que j’aie le ballon, pour pouvoir décider de ce que j’en fais. D’où l’importance de marquer en premier.»

Lorsqu’une équipe court après le ballon, l’usure n’est ainsi pas seulement physique, elle est psychologique. La concentration baisse au fil des minutes jusqu’à ce que l’équipe qui fait tourner le ballon trouve la faille.

Les Suisses mauvais passeurs

Pablo Iglesias a ainsi remarqué, statistiques à l’appui, que la Suisse était la moins bonne de toutes les nations engagées à l’Euro 2008 en termes de passes réussies, avec 69%. Conséquence directe: moins de passes réussies veut dire moins de maîtrise du jeu. Identifier un problème, d’accord, mais comment y remédier? «Par la formation! Nous avons cette chance-là! Footballeur, c’est le métier avec la formation la plus longue, quasiment quinze ans! Plus que n’importe quel avocat ou médecin», sourit le technicien, en se réjouissant des premiers fruits.

«Aujourd’hui, nous avons de plus en plus de joueurs qui commencent à sortir et qui peuvent nous aider à développer cette culture de la passe à haut niveau, à maîtriser un match, entre autres grâce à elle. Je pense à Ricardo Rodriguez, à Granit Xhaka, à Xherdan Shaqiri, aussi.» Est-ce à dire que la Suisse, qui a, pour rappel, battu le record du monde de minutes sans prendre de but en Coupe du monde, est en train d’évoluer?

Pour Pablo Iglesias, cela ne fait aucun doute. «Les qualités du football suisse jusqu’à aujourd’hui? La solidarité, l’application défensive, les phases de jeu statiques. C’est comme ça qu’on est éduqués et je m’inclus dans ce constat! On n’est pas dans quelque chose de spontané, on reste dans le formaté. En Espagne, vous pouvez travailler dans l’administratif et, à quarante ans, bifurquer dans l’artisanat. Tout le monde trouve cela normal. En Suisse, et je fais le parallèle avec le football, c’est plus compliqué. Le petit Jérôme, qui débute latéral droit en juniors F, terminera latéral droit en vétérans, sans connaître autre chose. Le football ressemble à la culture du pays, c’est inévitable. Mais celle-ci est en train d’évoluer en Suisse. Les générations qui vont arriver pensent différemment et je suis convaincu que c’est une richesse.»