La dernière séance d’information sur le PACom n’aura pas appris grand-chose à grand monde. Sinon que les fronts semblent toujours figés.
«Il faudra penser à créer des masques pour toutes ces séances: PACom Oui, PACom Non et PACom Je sais pas!» Dire que la révision du Plan d’affectation communal (anciennement PGA) est le sujet du moment à Tévenon relèverait de l’euphémisme.
C’est donc dans une ambiance plutôt tendue que Pierre Imhof, Directeur général du territoire et du logement (DGTL) de l’Etat de Vaud, s’est rendu en terre tévenole dans le but de présenter les principes généraux qui régissent la création d’un PACom. Objectif difficile, tant les propriétaires présents voulaient obtenir des réponses aux problèmes concrets que leur pose ce nouveau plan. Le gros hic: le passage en zone agricole de plusieurs parcelles aujourd’hui en zone à bâtir. Avec pour effet la chute drastique de la valeur du terrain.
Le dialogue a donc été compliqué jeudi dernier, surtout que les deux «camps» ne parlaient pas la même langue: «La plupart du temps, il n’y a pas de perte financière. Il n’y a pas d’argent perdu», a lancé le chef de la DGTL, ce qui n’a pas manqué de déclencher des rires sarcastiques dans la salle. «Laissez-moi finir, a repris Pierre Imhof. Si un terrain en zone agricole est passé en zone à bâtir en 1980, il a pris de la valeur. Durant 40 ans, cette valeur n’a pas été utilisée. Aujourd’hui, le terrain repasse en zone agricole et il n’y pas de perte de valeur mais un retour à la valeur initiale. Si je vous donne ce raisonnement, c’est parce que c’est celui du Tribunal fédéral.»
Notons tout de même que les propriétaires de ces terrains qui n’auraient pas vraiment perdu de valeur, selon le chef de la DGTL, ont payé un impôt sur la fortune pour une parcelle en zone à bâtir, pas en zone agricole. Des milliers de francs qui sont aussi arrivés dans la caisse de l’Etat.
Mais comme l’a démontré Pierre Imhof, il s’agit là d’un raisonnement qui ne semble pas être pris en compte par la Confédération. Et c’est pourtant un des éléments essentiels du problème: être indemnisé. C’était d’ailleurs une des demandes des opposants au préavis du 4 mars. Ils voulaient des garanties quant à leur indemnisation. Garanties que la Commune ne pouvait bien évidemment pas donner, consciente que les risques de refus sont élevés.
Sans indemnisation, le dernier petit espoir pour les propriétaires se nommait zone verte. Une zone où la construction est très fortement limitée, mais qui permet de cultiver un potager, par exemple. Une manière pour les habitants de quand même profiter de leur terrain, ce qui n’est pas possible sur une zone agricole, où rien qui ne serve un agriculteur ne peut être implanté. Seulement voilà… cette zone verte est assimilée, pour les statistiques, à de la zone à bâtir. En arrosant la commune de zones vertes dans son PACom, Tévenon ne ferait donc pas baisser son surdimensionnement et ne résoudrait aucun problème. «On dénature complètement l’idée du vote de 2013, s’est emporté une citoyenne. On avait voté pour éviter le mitage du territoire, pas pour que des jardins passent en zone agricole, alors qu’ils ne sont absolument pas faits pour accueillir des champs ou des animaux.»
Après plus de deux heures de débats, les fronts ne semblaient pas avoir vraiment évolué. Les opposants sont toujours contre, et la Municipalité représente le même préavis à la virgule près, convaincue qu’une étude supplémentaire aboutirait quasiment au même résultat. Dénouement (ou pas) le 20 mai, lors du prochain Conseil.
La chronologie
Comme toutes les communes vaudoises, le village fusionné doit revoir son PACom et le faire correspondre à la loi sur l’aménagement du territoire (LAT), entrée en vigueur en 2014 après avoir été votée par le peuple suisse. Mis à l’enquête en janvier 2020, le projet de PACom de Tévenon a fait l’objet de 25 oppositions, qu’il a fallu traiter. La Municipalité est donc arrivée le 4 mars 2021 avec un préavis qu’elle a soumis au Conseil général. Et c’est finalement pour deux petites voix que le PACom a été refusé: 37 à 39.
Le commentaire de Massimo Greco
Et maintenant?
Les situations personnelles forcément touchantes n’y changent rien. La LAT existe, et il faudra bel et bien que Tévenon, commune dont la zone à bâtir est surdimensionnée, crée son PACom en dézonant. Et les options qui s’offrent au village ne sont pas si nombreuses. Premièrement, on peut tout refaire, donc repayer 250 000 francs, pour aboutir à un PACom à peine modifié, qui apaisera autant d’actuels opposants qu’il en créera de nouveaux.
Ensuite on peut faire front, compter sur la rébellion des autres communes surdimensionnées au niveau du bâti et défier le Canton et la Confédération dans le but de changer la LAT, votée par le peuple suisse en 2013. Si ça fonctionne, c’est le bingo, mais si ça échoue, c’est le fiasco. Le Canton crée lui-même le PACom de Tévenon, réduisant à néant toute l’autonomie de la Commune. Aux frais des Tévenols, bien sûr, et cette fois-ci ça risque de coûter bien plus que les 250 000 francs dépensés par la Commune. Dans ce cas, David peut-il vraiment gagner contre Goliath? Rien n’est moins sûr.
Enfin, il est possible d’accepter ce PACom. Avec tous les défauts qui lui sont propres, avec toutes les tragédies qu’il implique. Un choix évidemment impensable pour ceux qui perdent parfois les économies d’une vie dans le processus. Mais un choix qui doit être fait pour éviter que le nombre de déçus n’augmente encore. Car avec l’entrée en vigueur d’un nouveau PACom, la question n’est pas de savoir s’il y aura des lésés, mais combien il y en aura.
Et c’est dans ces cas que les autorités doivent montrer leur utilité, en soutenant ceux qui, n’en déplaise à Pierre Imhof, perdent de l’argent, sonnant et trébuchant, dans l’affaire. Si un salut existe pour les propriétaires, il doit venir d’un appui des institutions. Pas du blocage du PACom.