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Son univers retranscrit noir sur blanc

25 avril 2025 | Texte: Lena Vulliamy
Edition N°3932

L’artiste yverdonnoise Soph qui peut était de l’événement lausannois Polymanga pendant le week-end pascal. L’occasion d’en savoir un peu plus sur celle qui dessine la vie en noir et blanc.

Sa tenue? Noire. Ses cheveux? Noirs aussi. Ses dessins? Eh bien, en noir et blanc. Pourtant, Soph qui peut, de son vrai nom Sophie Fink, n’a rien de sombre, bien au contraire. «Un jour, lors d’un événement, une dame m’a dit qu’elle espérait que je trouverais ma couleur, parce qu’elle pensait que j’étais déprimée. Je lui ai répondu que la couleur dans ma vie, ce sont tous les gens qui me soutiennent, notamment via les réseaux sociaux», raconte tout sourire l’artiste de 22 ans.

Et puis il faut dire que Sophie est daltonienne, alors le noir et blanc, c’est sa zone de confort et c’est devenu «sa DA» (sa direction artistique). «Mais même si mes dessins sont en noir et blanc, les gens y voient beaucoup de couleurs.» Vrai que les créations de Soph qui peut sont riches visuellement. Et lorsqu’on s’y plonge, on y découvre une multitude de détails, parfois (souvent) des clins d’œil à sa vie personnelle et amoureuse. Sophie aime avant tout l’esthétique, mais nombre de ses œuvres ont une signification. «Au début, on me disait que mes dessins étaient illisibles. Mais c’est pour inciter les gens à prendre le temps, à faire une pause.»

Polymanga réussi

à Polymanga, l’événement lausannois dédié à l’univers des mangas, de la pop culture et des jeux vidéo, sa voisine de stand a même qualifié son art de «reposant». «Et une fille m’a montré une photo de sa chambre où son armoire était couverte de mes prints. Je lui ai fait des petits cadeaux cette année.»

Le stand de Sophie a donc fait mouche et l’artiste est enchantée. «Beaucoup de personnes d’Yverdon m’ont approchée et j’ai tout vendu. Ce qui plaît aux gens, ce sont les petits objets, les autocollants, les sacs en toile. J’ai pu beaucoup échanger avec des festivaliers mais aussi avec d’autres exposants. Il y a un rapport de concurrence, mais on s’entend bien et on a terminé les soirées en discutant. Je suis aussi beaucoup moins introvertie qu’il y a un an», explique Sophie, qui a osé se lancer dans les conventions, inspirée par la Lausannoise Laura Low.

«Si je n’étais pas tombée sur son compte Instagram, je n’aurais jamais osé. C’était une période où je n’avais plus confiance en mon travail. J’ai osé l’approcher et elle m’a donné des conseils et des adresses d’imprimeurs. ça m’a beaucoup aidée.»

Et ne se retrouve pas à Polymanga qui veut: l’art de Soph qui peut a été sélectionné pour la deuxième année consécutive. «Ce qui est cool, c’est que l’emplacement est gratuit, ce qui n’arrive jamais en Suisse. On ne fait donc que du bénéfice», se réjouit celle qui a obtenu son CFC de graphisme à l’ERACOM de Lausanne. Une rentrée d’argent bienvenue pour Sophie, qui s’est lancée à son compte, mais garde pour l’instant en parallèle un travail alimentaire.

Vive Yverdon

Depuis deux ans, les collaborations s’enchaînent pour la jeune artiste. Tous les jeudis, Sophie anime le Drink’n Draw au restaurant Botanik, à Yverdon; un rendez-vous qui rassemble dix à quinze personnes à chaque fois. Dans la même veine, les Rendez-vous dessin à la Bibliothèque de la Cité thermale se tiennent une fois par mois (les prochaines rencontres sont fixées les 15 mai, 19 juin, 21 août et 18 septembre).

Deux lieux que l’artiste qualifie d’accueillants. «Je l’adore, cette ville! Je m’y sens bien et j’aimerais que davantage de personnes réalisent à quel point la vie culturelle y est riche.» La Municipalité l’a d’ailleurs approchée dans le cadre de son programme de durabilité, après recommandation de VoQueer, l’association vaudoise pour la diversité sexuelle et de genre. «J’aimerais beaucoup réaliser une fresque murale, notamment dans la ville.»

Des projets entre les mains

Sophie collabore aussi avec PHÉNOM’N, une marque de vêtements éthiques lancée par de jeunes Nord-Vaudois. «On bosse ensemble sur le nouveau logotype et leur identité visuelle.» Autre partenariat, celui avec le musicien lausannois Sahel.

Il y a aussi un partenariat avec Logitech, pour des setups d’ordinateurs. «C’est une chouette collab et c’est bien pour mon portfolio.» Elle collabore aussi avec une petite marque de bière artisanale. «L’idée est de travailler avec des acteurs locaux.» Et récemment, l’artiste s’est découvert un attrait pour le dessin en live. La prochaine expérience du genre est agendée au 8 mai, avec une Soirée queer à Sports 5, où Sophie improvisera des dessins pendant une table ronde. Elle créera aussi en live sur une toile le 15 mai à Neuchâtel, à la Villa Voisins.

Sauve qui peut

Un rêve ultime? «Faire une série Netflix (rires). Je pense que voir ses illustrations animées est le rêve de tout artiste. Plus sérieusement, je n’ai pas de grand rêve. Je vis le moment présent, je rencontre des gens, je fais des expos, des collabs, et ça me convient.» Mais Sophie aspire tout de même à créer un jour une bande dessinée avec les personnages récurrents dans ses illustrations, probablement dans un univers postapocalyptique.

Quant à son nom d’artiste, Soph qui peut, contraction de son prénom et de l’expression «Sauve qui peut», il n’a pas été choisi au hasard. «Petite, je dessinais pour m’échapper. Je n’ai pas eu la vie facile, j’ai subi du harcèlement et c’était un moyen de m’évader.» Et puis son nom fait sourire et ça lui plaît.

Aujourd’hui, Sophie sait pourquoi elle crée, jour après jour, tous les jours. Pas seulement pour elle-même, mais aussi pour les autres. Pour l’heure, même si elle défend les droits des femmes et des personnes queers, l’Yverdonnoise souhaite rester apolitique dans son art. «J’ai avant tout envie que mes dessins apportent du bonheur aux gens.»