Christian Weiler et Jean-Daniel Carrard ont rompu la collégialité, fustigeant l’attitude du Service de la culture.
«La Municipalité actuelle a une vision différente de l’ancienne sur bien des points, ce qui est normal et compréhensible. Ils prennent des décisions différentes, notamment en termes d’urbanisme et de mobilité et, au fond, c’est ce pourquoi ils ont été élus: appliquer un programme différent. Mais on ne rompt pas la collégialité à chaque fois que l’on est contrariés. Si nous sommes là devant vous aujourd’hui, c’est que le sujet est important.» Jean-Daniel Carrard vit depuis juillet dans la peau d’un municipal minoritaire, ce qu’il avait déjà expérimenté d’ailleurs, et, s’il a souvent dû se retenir, selon son propre aveu, il était jusque-là resté calme.
Mais ce mercredi, il a craqué. Et invité la presse à le rejoindre à son bureau du Service des sports, accompagné de son collègue PLR Christian Weiler, pour dire tout le mal qu’il pensait de la dernière décision de la Municipalité, celle de permettre à Action Culture, une entité regroupant les acteurs culturels présents sur le site, d’occuper gratuitement les locaux de Sports 5 pendant une année. Et ce, dans l’urgence, selon eux.
«Les discussions avaient repris entre la Ville, le promoteur – Mario Di Pietrantonio – et les associations. Une réunion était prévue dans les deux à trois semaines pour avancer encore. Mais là, en prenant cette décision, on bloque tout. Le promoteur ne peut que mal prendre d’être ainsi mis devant le fait accompli, sans aucune garantie. Que se passera-t-il dans un an?» fulmine Jean-Daniel Carrard, qui estime le projet Sports 5 «enterré». Christian Weiler, lui, se montre un peu plus optimiste: «J’espère que le fait que l’on s’exprime va faire bouger les choses dans le bon sens. On peut encore se parler, trouver des solutions, faire preuve de bon sens. Sports 5 est un projet magnifique, qui peut fédérer les énergies. La culture, le sport, tout ce petit monde peut fonctionner ensemble. Mais pas comme ça. La décision prise par la Municipalité ce matin est un non-sens.» Pour rappel, Mario Di Pietrantonio s’était engagé à injecter 26,2 millions dans le projet Sports 5 avant de se rétracter publiquement. Mais la promesse de vente était toujours valable et les discussions avaient repris.
La majorité de la Municipalité, elle, a réagi dans l’après-midi. Le syndic Pierre Dessemontet, Carmen Tanner (la plus mise en cause par la rupture de collégialité du PLR) et Benoist Guillard se sont montrés unis. «Je suis surpris de l’individualisation de l’attaque de mes deux collègues, contre un service en particulier, celui de la culture, a lancé Pierre Dessemontet. La décision contestée est une décision municipale, prise à la majorité.» Mais sur le fond, la majorité de gauche n’est-elle pas allée trop vite en proposant l’espace à Action Culture alors qu’une séance de négociation devrait avoir lieu dans quelques jours? «Le programme est très clairement provisoire, assure le syndic. Même si le projet venait à ne pas aboutir, ce que je regretterais, il n’est absolument pas garanti que la location de l’espace à Action Culture soit prolongée. Il y a une volonté d’occuper ce lieu provisoirement, refuser cette utilisation serait à mon sens dommage et incompréhensible. Et puis il faut être conscient que le dossier n’allait pas tout à coup se délier en une séance.»
Pour les élus de gauche, cette décision ne remet absolument pas en question les négociations. «Nous sommes toujours dans une phase de discussion, et la Ville s’y engage de bonne foi, relève Pierre Dessemontet. On sait qu’il y a des blocages et au début ils paraissent insurmontables. Mais tout le monde devra faire des efforts, y compris la Municipalité, et elle est justement dans une optique de flexibilité.»
Action Culture regrette «une tentative de lui faire porter les problématiques que le projet rencontrait à l’origine». L’entité estime que celles-ci sont principalement «dues à une mauvaise gestion de celui-ci, mené dans la précipitation et dans le non-respect des procédures administratives et d’aménagement du territoire».
Est-ce vraiment réaliste d’imaginer une issue positive? «Je regrette cette rupture, reprend Pierre Dessemontet. Elle risque de rendre plus difficile l’avancée du projet. Mais je tiens à dire que nous avons hérité d’un projet bloqué et que nous cherchons justement à le faire avancer. Une rupture est un processus lourd et quand je l’ai porté, ça n’a pas été de gaieté de cœur. Je comprends sincèrement qu’ils souffrent de la situation. Mais j’estime que nous faisons tout ce que nous pouvons pour leur aménager un espace de travail le plus bienveillant possible, quitte à aller contre mon camp à certaines occasions.»
Justement, durant la campagne électorale des communales, Carmen Tanner s’était ouvertement plainte de l’attitude à son égard du syndic d’alors, Jean-Daniel Carrard, jugé trop autoritaire. La gauche dans son ensemble avait promis d’agir de manière plus bienveillante et à l’écoute. Jean-Daniel Carrard se sent-il aujourd’hui dans la position inverse? «A côté de ce qui se passe aujourd’hui, j’ai l’impression que j’étais un amateur…»